Date de publication16 Aug 2014 - 12:10
Code d'article : 166330

Syrie: dans un camp de réfugiés irakiens, le désespoir d'un père de famille yazidi

Agence de presse TAGHRIB (APT)
Dans le calme d'un camp de réfugiés syrien, les horreurs vécues par Juno continuent à le hanter: dans sa fuite précipitée face à l'avancée des rebelles syriens de l'EI en Irak, ce père de famille yazidi a perdu la trace de deux de ses enfants.
Syrie: dans un camp de réfugiés irakiens, le désespoir d

Comme des dizaines de milliers de Yazidis, minorité kurdophone persécutée de longue date, Juno Khalaf a dû fuir le 3 août sa maison quand les rebelles syriens de l'EI (EILL) ont lancé une offensive sur Sinjar et ses environs, dans le nord de l'Irak.

"Ils nous tiraient dessus pendant que nous fuyions. C'était le chaos total. En chemin, nous avons perdu ma petite Alifa et mon fils Imad", raconte ce père de 45 ans.

"Je ne sais pas où ils sont. Je ne sais pas si nous allons jamais les retrouver", lâche-t-il, submergé par une douleur si intense qu'elle semble l'empêcher de respirer.

Il ne sait pas si Imad, 18 ans, et Alifa, 10 ans, sont encore en vie. Et il ne sait pas où les chercher.

Face à l'avancée fulgurante des rebelles de l'EI, Juno, sa femme et leurs sept autres enfants se sont réfugiés avec des milliers d'autres personnes sur le mont Sinjar, imposant et désertique, qui domine la ville éponyme.

Mais ce refuge trouvé dans l'urgence s'est vite révélé un piège mortel pour ces civils, assiégés par les jihadistes, sans eau ni nourriture dans la chaleur brûlante de l'été.

De nombreuses familles ont néanmoins réussi à descendre de la montagne, et des combattants kurdes les ont escortés jusqu'à la frontière syrienne.

La plupart des Yazidis qui avaient franchi la frontière syrienne sont depuis repassés côté irakien, venant grossir les rangs des centaines de milliers de déplacés qui s'entassent dans des camps de fortune dans le nord de l'Irak.

Juno, lui, est resté en Syrie. Il a trouvé refuge dans le camp de Newroz, dans la province de Hassaka, où les Unités kurdes de protection du peuple (YPG) et une poignée d'ONG tentent de venir en aide aux survivants du mont Sinjar.

Le camp de Newroz, sur une étendue aride et rocheuse, a été construit à l'origine pour abriter les Syriens fuyant le conflit qui déchire depuis plus de trois ans leur propre pays, Syrie, où sont également très actifs les rebelles.

Après avoir été traqué comme un animal dans la montagne, Khalaf demeure hébété et comme hanté.

"Il y a à peine deux semaines, nous vivions en paix", se rappelle-t-il.

Sa femme, Khonaf, a également dû abandonner derrière eux sa propre mère, aveugle. "Elle n'aurait pas pu faire le voyage", déplore-t-elle, plissant les yeux dans le soleil, un bébé en pleurs dans les bras.

Elle désigne la joue couverte de bleus de sa fille Rania, âgée de quatre ans.

"Elle a été renversée par une voiture pendant qu'on essayait tous de s'enfuir. Grâce à dieu, elle va bien".

Pieds nus, vêtue d'une robe vert vif, la petite Rania se rappelle les sept heures de marche qu'elle a dû faire, sans l'aide de personne, jusqu'au sommet du mont Sinjar.

"J'ai peur. Je ne sais pas où sont mon frère et ma soeur. Je veux rentrer à la maison", dit-elle.

Pour son père, il y aura un avant et un après le 3 août: "Je suis peut-être en sûreté maintenant, mais j'ai perdu mon âme dans cette fuite. Que quelqu'un nous aide. S'il vous plaît".

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