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Jonathan Cook

Israël éradique l’Histoire : disparition de mosquées

APT-Beyrouth

19 Jul 2012 - 16:04

La découverte d’une photo aérienne rare - Jérusalem prise depuis un Zeppelin dans les années ’30 - a fourni une preuve longuement recherchée du fait qu’Israël, qui a occupé la Vieille Ville en 1967, a secrètement détruit une importante mosquée datant de l’époque de Saladin [12ème siècle], non loin de la mosquée al-Aqsa.


Février 2012, la police de l’occupation investit al-Aqsa et provoque des affrontements. Que ce soit dans les territoires palestiniens occupés en 1948 ou en 1967, l’Etat sioniste n’a de cesse de poursuivre son projet de nettoyage ethnique 

La destruction de la mosquée Cheikh Eid - dans une zone considérée comme étant le site le plus sensible du conflit israélo-palestinien - rallume des questions sur les violations continuelles d’Israël à l’encontre de lieux saints islamiques placés sous son contrôle.
La question a été sous le feu de l’actualité récemment en raison du nombre grandissant d’incendies volontaires et d’attaques de vandalisme par des extrémistes juifs contre des mosquées à Jérusalem et en Cisjordanie qu’on a baptisée d’attaques « au prix fort » destinées à dissuader le gouvernement israélien de faire des concessions diplomatiques aux Palestiniens. 

Après l’incendie criminel par des colons juifs d’une mosquée près de Ramallah, il y a environ deux semaines, Dan Halutz, ancien chef d’état major, a admis qu’il n’y avait aucune volonté politique de trouver les coupables. « Si nous voulions, nous pourrions les attraper, et quand nous le voudrons, nous le ferons », a-t-il déclaré sur la radio de l’armée. 

La question de savoir si la mosquée Cheikh Eid à Jérusalem avait survécu jusqu’à l’époque contemporaine, a été l’objet de débats passionnés entre érudits palestiniens et israéliens.
La découverte de son emplacement n’est pas d’un intérêt seulement historique et académique. En début d’année, avant que la photo aérienne ne soit exhumée, des aménagements sur l’ancien emplacement de la mosquée ont entraîné la détérioration de ce qui restait du bâtiment sous le niveau du sol, les archéologues l’admettent à présent. 

L’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI), principale institution archéologique, a exhumé les fondations subsistant de la mosquée et dégagé un squelette humain, censé être celui du Cheikh Eid lui-même.
Le site de la mosquée est proche de Haram al-Charif (le Noble Sanctuaire), un ensemble surélevé de lieux saints islamiques qui comprennent la mosquée al-Aqsa et dont l’enceinte comprend le Mur Occidental (dit Mur des Lamentations), un lieu juif important de prière. 

Israël conteste le contrôle de l’esplanade Haram al-Charif, et prétend que les mosquées sont édifiées sur deux temples juifs jadis détruits. Les groupes juifs religieux exercent une pression croissante pour être autorisés à prier sur l’esplanade des mosquées, et certains extrémistes ont menacé de faire sauter les mosquées afin de pouvoir construire un troisième temple. La visite de provocation effectuée en 2000par Ariel Sharon, qui dirigeait alors l’opposition, avec l’appui de plus de 1000 policiers, a déclenché la deuxième Intifada. 

Les vestiges de la mosquée Cheikh Eid ont été détruits pendant les travaux d’excavation exécutés par Israël qui prépare la zone contiguë à l’esplanade pour la construction d’un grand centre touristique.
Ce projet fait partie d’une série de transformations par Israël de la zone jouxtant le Mur Occidental, et qui attisent les tensions avec les Palestiniens. Ces transformations violent le droit international parce que la Vieille Ville de Jérusalem est territoire occupé. 

Benjamin Kedar, vice-président de l’Académie Nationale des Sciences, qui a découvert la photographie ancienne après avoir cherché dans les archives allemandes, a qualifié le traitement infligé à la mosquée de « crime archéologique ». A la faveur de l’obscurité, Israël a envoyé des bulldozers pour dégager la zone, forçant un millier de résidents Palestiniens à la quitter afin de créer une vaste place de prière devant le Mur des Lamentations. 

La Mosquée, qui servit initialement d’école coranique construite par Malik al-Afdil, un des fils de Saladin, serait l’une des trois seules constructions subsistant de cette période à Jérusalem.
Sa provenance et son emplacement sont décrits dans un document du ١٥ème siècle. Après l’inhumation de son plus célèbre prêcheur, le Cheikh Eid, deux siècles plus tard, elle est devenue un lieu de pèlerinage majeur pour les musulmans. 

Il apparaît maintenant que la mosquée fut détruite pendant le nivellement total du quartier Moughrabi dans la Vieille Ville - un crime de guerre largement omis par les historiens - dans le sillage immédiat de l’occupation de Jérusalem Est par Israël en 1967.
La place est devenue le noyau pour l’installation d’un quartier juif élargi dans la Vieille Ville, qui empiète progressivement sur les quartiers musulman et chrétien par l’activité des colons et des gardes armés que les autorités israéliennes ont affectés à leur protection. 

Le centre touristique est le dernier projet d’une campagne de longue haleine par le rabbin Shmuel Rabinovitch, chargé du mur des Lamentations, en vue de renforcer la maîtrise israélienne sur la zone autour de Haram al-Charif, ce que beaucoup de Palestiniens voient comme une tentative d’étayer les prétentions israéliennes à la souveraineté sur l’esplanade des mosquées.
La Fondation du Patrimoine du Mur des Lamentations de ce rabbin contrôle les tunnels du Mur Occidental qui ont été creusés autour de 1996 alors que Benjamin Netanyahou était (déjà) Premier Ministre. Le creusement a déclenché des affrontements violents entre Palestiniens et forces de sécurité israéliennes, qui ont entraîné des dizaines de tués. 

La Fondation du Patrimoine tente également de déménager le pont Moughrabi - une rampe actuellement utilisée surtout par des non musulmans et par la police israélienne pour aller à l’esplanade al-Aqsa - dans l’objectif d’étendre encore la place de prière devant le Mur Occidental.
Le centre des visiteurs, qui serait construit tout près du pont Moughrabi, a suscité l’opposition d’un groupe d’archéologues israéliens dissidents. Yoram Tzafrir, professeur à l’Université Hébraïque disait récemment au quotidien Ha’aretz : « On pourrait dire que la démolition du quartier Moughrabi en 1967 était nécessaire ... pour permettre aux foules d’atteindre le Mur des Lamentations - mais non pour construire un nouveau bâtiment [pour les visiteurs] ». 

La Fondation du Patrimoine a justifié ses activités en disant que les excavations détruisant l’histoire islamique sont nécessaires pour exhumer des vestiges juifs, plus anciens. Dans un déclaration portant sur la controverse Cheikh Eid, elle déclare : « Les excavations dans la zone du mur Occidental doivent atteindre les niveaux les plus anciens possibles. Il est clair que ceci ne peut se faire sans détruire des périodes ultérieures, quelles qu’elles soient ». 

Les violations historiques et actuelles de la mosquée Cheikh Eid se reflètent dans les résultats lamentables et répétés publiés par les observatoires internationaux de la liberté religieuse. 

En 2010 le Département d’État américain publiait un rapport plaçant Israël dans la même catégorie que l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran et le Soudan. « Les lieux saints non juifs ne jouissent pas d’une protection légale sous [la Loi de protection des lieux saints de 1967] parce que le gouvernement ne les reconnaît pas comme lieux saints officiels » déclare le rapport. 

La loi de 1967prévoit de sanctionner de ٧ années d’emprisonnement toute personne trouvée coupable de désacralisation d’un lieu saint et ٥ années pour empêcher l’accès à un lieu saint. Mais Israël n’a donné ce statut qu’aux lieux de dévotion juifs ...
Les constatations du département d’Etat ont été confirmées l’an dernier dans un classement de la liberté religieuse organisé par les universitaires étatsuniens à l’Université de Binghamton [NY], qui a attribué un zéro à Israël. 

Le traitement infligé à la mosquée Cheikh Eid a un écho actuel et plus important à peu de distance, à Jérusalem-Ouest, où Israël a approuvé un projet du Centre Simon Wiesenthal basé en Californie, qui veut construire un Musée de la Tolérance par-dessus l’ancien cimetière musulman de Mamilla, qui inclut des tombes censées être celles des compagnons du Prophète. 

Les médias israéliens n’ont pas manqué de rapporter en 2008 que plus de 100 squelettes avaient été exhumés et profanés lors des excavations préparant le site à la construction. L’édification du musée a été retardée par des problèmes financiers causés par la récession économique globale.
Tandis que ces cas bien en vue faisaient la une,les violations de la liberté religieuse pour 1.3 million de musulmans palestiniens vivant sous occupation, et qui ont la citoyenneté, ont beaucoup moins attiré l’attention.
L’essentiel des doléances remonte à la création d’Israël en 1948, quand toutes les terres et propriétés gérées pour la communauté musulmane ont été confisquées à l’intérieur des frontières du nouvel état juif. Ces propriétés - confiées par les legs de générations de Palestiniens à un waqf, ou fondation religieuse - comprenaient non seulement des lieux saints et des cimetières, mais également des écoles, des bâtiments publics des commerces et des terres agricoles.
Après 148, tous les biens des waqfs, qui constituaient un dixième du territoire de la Terre sainte, furent saisis par l’État et, de même que les propriétés appartenant à plus de ٧٥٠ ٠٠٠ réfugiés palestiniens, passèrent à un fonctionnaire connu sous l’appellation de Garde des Propriétés des Absents. 

Seules les mosquées dans les 120 villes et villages palestiniens qui survécurent à l’établissement d’Israël ont continué de fonctionner, quoique sous stricte supervision israélienne. Israël paie les salaires des employés de mosquées, contrôle tous les salaires et les sermons. 

Quelque 500 autres villages, qui furent vidés de leur population palestinienne en 148, furent rasés souvent en même temps que les mosquées ou églises locales.
Dans les villes qui sont maintenant presque exclusivement juives, comme Tel Aviv, les mosquées et cimetières ont tout simplement été réaffectés. Lors d’un incident notoire, le grand cimetière Abdoul Nabi a été cédé à un promoteur immobilier dans les années 1950, et un hôtel cinq étoiles et divers complexes de logements pour immigrants juifs furent construits par-dessus.
Des mosquées importantes d’anciens villages palestiniens ont été affectés à l’usage de bar, boîtes de nuit, boutiques, enclos à bestiaux, dépôts de grain et synagogues. 

La plupart des mosquées qui restaient debout dans les villages par ailleurs détruits ont été désacralisées selon une enquête menée par l’Association Human Rights en 2004. elle découvrit que ces mosquées, de même que les sanctuaires islamiques, avaient été rendues inaccessibles, y compris aux réfugiés de l’intérieur vivant à proximité. 

Certaines avaient été redonnées à des immigrants juifs. Par exemple, à Césarée un ancien village côtier palestinien - qui après 1948 fut transformé en une prospère communauté juive, foyer de Benjamin Netanyahou - la mosquée fut transformée en restaurant.
Dans la plupart des cas il n’y a pas grand chose à faire pour empêcher ces désacralisations, parce que la loi israélienne de 1978 sur les Antiquités n’offre aucune protection aux bâtiments datant d’après 1700. 

Entre-temps, d’autres mosquées plus anciennes ont été déclarées zone militaire fermée, les vouant à l’abandon. La belle mosquée de Ghabisiya dans le Nord historique de la Palestine est clôturée et enveloppée de barbelés coupants, alors que la mosquée Hittin construite par Saladin en 1187 pour célébrer sa victoire à la bataille de Hittin, près du Lac de Galilée, tombe en ruines, avec interdiction aux réfugiés voisins de la restaurer. 

Ces quinze dernières années, les deux branches du mouvement islamique ont travaillé à identifier et à documenter les lieux saints islamiques qui ont été détruits et ceux qui ont survécu mais sont aujourd’hui interdites d’accès. 

Il s’est également opposé aux autorités israéliennes en menant une campagne pour restaurer plusieurs des sites les plus importants ; en 2000 le Mouvement islamique aida un groupe de réfugiés de l’intérieur dans l’ancien village de Sarafand sur la côte méditerranéenne, à restaurer leur mosquée. Une nuit, elle fut rasée au bulldozer dans des circonstances toujours inexpliquées.
Même les rares succès devant des cours israéliennes ont peu d’impact dans la pratique. L’an dernier la Cour Suprême a jugé que le Conseil de Bersheba devait utiliser l’imposante grande mosquée récemment restaurée, comme musée de la culture islamique plutôt que comme musée généraliste, comme l’avait prévu le Conseil. 

Mais en mars le centre légal Adalah pour la minorité arabe en Palestine occupée qui avait soutenu l’action, s’est plaint à l’avocat général israélien que le Conseil ignorait le jugement et se servait de la mosquée pour organiser une exposition sur la domination britannique et israélienne dans le Néguev. Il notait aussi que le conseil avait installé un festival du vin et de la bière dans l’espace de la mosquée l’an dernier.
Nouri al-Uqbi, un activiste bédouin qui a mené une longue campagne pour tenter de transformer à nouveau la Grande Mosquée en lieu de culte, dit : « je suis horrifié et furieux de cette violation du sacré de la mosquée. Dans la mosquée il y a des poupées en plastique et des mannequins portant des uniformes britanniques et israéliens certains en short, parmi d’autres objets exposés qui sont hors de propos dans la culture et à la tradition arabo-islamique ». 

Le conseil de Beersheba a refusé de fournir un lieu de culte aux musulmans dans la ville, bien qu’il y ait 1000 familles musulmanes qui vivent là et qui tous les jours, reçoivent des visiteurs parmi les nombreux bédouins du Néguev environnant.
D’autres recours juridiques liés à la propriété waqf ont également servi à rien. En 2007, les Palestiniens vivant dans la ville historique de Jaffa, maintenant un quartier mixte judéo-arabe dans la banlieue de Tel-Aviv, ont en vain demandé à la cour du district de découvrir ce qui s’était passé à la propriété waqf locale. 

Le gouvernement a refusé de divulguer l’information, affirmant qu’il « porterait gravement atteinte aux relations étrangères d’Israël ». Cela semble se référer à des dommages qui pourraient être causés à l’image d’Israël à l’étranger s’il devait être révélé l’usage qui a été fait de la propriété.
L’affaire est actuellement en appel devant la Cour suprême. 

Cependant, tous les signes montrent que le tribunal sera peu favorable à la requête. En 2009, après une lutte juridique de cinq ans impulsée par Adalah, la Cour suprême a rejeté une requête demandant que la loi de 1967 de protection des sites saints, inclut spécifiquement la protection des sites islamiques. 

Tout en convenant que les lieux saints musulmans étaient généralement dans un « état déplorable », la Cour déclara que la question était trop « sensibles » pour qu’elle puisse émettre un jugement.
Sous la pression de la Cour, cependant, le gouvernement israélien a promis de dépenser 500 000 dollars US pour le maintien de lieux saints musulmans, une somme qui a été largement critiquée par la communauté comme « pitoyable ». L’argent sera alloué par l’Administration des Terres d’Israël, qui selon les avocats d’Adalah, « n’a rien fait pour empêcher la profanation de lieux saints musulmans et dans de nombreux cas, joué un rôle actif dans leur profanation. » 

Les restrictions sur la liberté de culte pour les musulmans semblent susceptibles de s’intensifier dans les mois et années à venir. Fin de l’année dernière, Netanyahu a accordé son soutien à une loi qui interdirait aux mosquées d’utiliser des haut-parleurs pour appeler les habitants à la prière.
Constatant qu’il y avait eu de nombreuses plaintes concernant le bruit, Netanyahu a observé : « Le même problème existe dans tous les pays européens, et ils savent comment y faire face. Il est légitime en Belgique, il est légitime en France. Pourquoi est-il pas légitime ici ? Nous n’avons pas besoin d’être plus libéral que l’Europe. » 

Netanyahu avait apparemment oublié qu’il n’était pas en Europe et que les musulmans dont il parlait ne sont pas des immigrés, mais la population indigène.


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