Mais réhabiliter dans leurs droits les jeunes filles enfoulardées ne va pas sans provoquer une levée de boucliers des mouvements laïcs, qui interprètent cette décision comme un retour en force de l’islamisation du pays.
Une allégation à laquelle le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan oppose sa volonté politique de respecter les choix de l’ensemble de ses concitoyens, sans exclusive : "Nous allons permettre aux familles de vêtir leurs enfants comme bon leur semble, et en fonction des moyens de chacun", a-t-il déclaré lors d’une conférence à Madrid, le ۲۷ novembre dernier, en précisant que cette nouvelle mesure, qui répond à une demande de la population, prendra effet l’année prochaine.
En vertu de ce changement, les élèves des écoles islamiques, connues sous le nom "Imam Hatip", seront autorisées à arborer le hijab, tandis que dans les écoles publiques, les jeunes filles pourront le porter lors des cours d'enseignement coranique.
De l’autre côté du Bosphore, l’histoire du hijab fut particulièrement tourmentée depuis le coup d’Etat militaire de ۱۹۸۰ qui en fit une parure honnie, proscrite dans les établissements scolaires et universitaires, les administrations, les bâtiments publics, l’élite laïque turque, mais aussi les généraux, les juges et les recteurs d'université s’en faisant ses plus farouches détracteurs.
En ۲۰۰۸, l’AKP, le parti pour la Justice et du Développement, chapeauté par Erdogan, s’était attaché à assouplir la loi prohibitive en vigueur dans la sphère universitaire, en adoptant une modification de la Constitution afin de lever les restrictions frappant les étudiantes et universitaires voilées.
Cette réforme fait craindre aujourd'hui le pire à certains syndicats scolaires, qui jouent les oiseaux de mauvais augure : "Les symboles religieux qui propagent un mode de vie religieux dans les écoles auront un impact négatif sur la psychologie des enfants en voie de développement", a fustigé l’un d’entre eux.
Scindée en deux clans, la Turquie arc-boutée sur la sécularisation de la société fait face à la Turquie qui aspire à libérer les petites et jeunes filles du carcan législatif qui les opprime depuis trop longtemps. Gurkan Avcı, responsable du syndicat des enseignants démocratiques (DES), se réjouit que l'on en finisse avec le code vestimentaire hérité du coup d’Etat militaire de septembre ۱۹۸۰ : "Nous ne pourrons sauver le système éducatif des effets pervers de l'oppression, des rituels, des dogmes et de la pensée de la période liée à la" guerre froide " que le jour où les enseignantes et les élèves en seront totalement libérées, a-t-il commenté. Et ce jour semble venu…