Date de publication9 Jul 2013 - 16:27
Code d'article : 135304
massacre de 2012

Massacres commis par des boudhistes extrémistes ne seront pas oubliés

Agence de presse TAGHRIB (APT)
Les émeutiers ont ordonné à Kyaw de ne pas les regarder tuer ses camarades de classe. Mais l'adolescent demeure obsédé par ce jour où une vague islamophobe a déferlé sur Meiktila, dans le centre de la Birmanie, laissant dans les rues des piles de cadavres consumés.
Massacres commis par des boudhistes extrémistes ne seront pas oubliés

"Ils ont utilisé des chaînes, des bâtons et des couteaux (...). Ils étaient des centaines. Ils battaient tous ceux qui les regardaient", explique à l'AFP ce garçon de 16 ans.

Sa madrasa a été rasée en mars, comme des quartiers musulmans entiers, alors que des violences des bouddhistes contres les musulmans embrasaient la ville. Et sur les 44 morts que reconnaît le bilan officiel, plus de la moitié vient de l'établissement religieux.

"Cinq étudiants de ma classe ont été tués", poursuit l'adolescent, dont l'identité a été modifiée pour lui épargner des représailles.

Ce 20 mars avait pourtant commencé normalement pour les élèves qui échangeaient des plaisanteries dans la mosquée de leur école.

Mais dans l'après-midi, le centre-ville était en effervescence, après une dispute dans un marché de Meiktila entre un vendeur musulman et des clients bouddhistes. 

Les écoliers se sont cachés et ont passé la nuit dehors pendant que la madrasa partait en fumée. Les forces de sécurité ne sont arrivées qu'au petit matin pour les évacuer. Kyaw et ses compagnons ont traversé une foule en colère qui les a agressés avec des bâtons et des pierres. Certains ont voulu riposter. Ils ont été châtiés(tués).

La suite a été décrite par l'organisation Physicians for Human Rights, sur la base de témoins oculaires. Une foule hideuse, dont des moines bouddhistes, tuant 20 étudiants et quatre enseignants.

Un témoin a décrit un élève décapité, plusieurs autres brûlés vifs, selon un rapport de PHR publié en mai. Des images obtenues par l'AFP montrent une vaste plaine transformée en terrain d'exécution.

Sur une longue et terrifiante séquence, un homme pourchassé sort en courant de hautes broussailles avant de recevoir une série de coups de bâtons. Un homme vêtu d'une robe de moine bouddhiste vient se joindre au passage à tabac.

"Quand je suis arrivée, j'ai vu des piles de cadavres qui brûlaient encore, assure Myint Myint Aye, une responsable politique locale de confession bouddhiste, convaincue que le bilan réel approche la centaine de morts.

Elle décrit une foule applaudissant et hurlant des insanités alors que les quartiers musulmans partent en fumée. Et, comme bien d'autres, ne doute pas que les violences ont été orchestrées, manipulées. Mais par qui... Des bouddhistes extrémistes payant les services de nervis, comme le faisait la junte au pouvoir jusqu'en 2011 ?

"Si cela n'avait été que des gens de Meiktila, cela n'aurait pas atteint ces proportions", estime-t-elle. "En une journée et demie, tout a été détruit".

En 2012, plus de 2000 personnes avaient été tuées après des attaques des bouddhistes  contre les musulmans de la minorité apatride des Rohingyas et de l'Etat Rakhine (ouest). Mais les violences se sont ensuite propagées dans le pays, cette fois contre des musulmans birmans.

Les forces de l'ordre ont été accusées d'inaction, voire de complicité, ou même, pour les Royingyas, de "nettoyage ethnique".

"Les tueurs et les voleurs sont des criminels -- (les policiers) ont le devoir de les arrêter", estime Thein Than Oo, un juriste bouddhiste qui a défendu des musulmans.

Mais "ils disent qu'ils n'avaient pas l'ordre d'intervenir. Donc même les enfants ont été tués à Meiktila".

La police locale a refusé de répondre aux nombreuses sollicitations de l'AFP.

"Le message d'impunité est choquant", renchérit Holly Atkinson, auteure du rapport de PHR. "En moins de 48 heures, ils ont réussi à faire partir 30% de la population - 30.000 personnes - hors de Meiktila".

Et des moines bouddhistes, immensément respectés pour leur rôle spirituel et pour leur courage face à la junte militaire, ont joué un rôle important dans les massacres .

"Si des moines invitent à la violence, l'incendie volontaire, le meurtre, je dis haut et fort qu'ils ont tort", affirme le moine Sein Ni Ta, qui a fait partie des opérations de secours après ce qu'il décrit comme un "massacre systématique".

Quant à Kyaw, il essaye simplement de se relever. Il a rejoint sa famille dans un autre village de Birmanie et reçoit une aide psychologique. Dans son école ne restent que des livres déchirés et des gravats.

https://taghribnews.com/vdcawmn6y49nee1.z5k4.html
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