Tu t’affliges du malheur qui frappe le peuple syrien, et tu te demandes si tu ne dois pas condamner la politique du gouvernement syrien pour les mêmes raisons qui te poussent à condamner celle du gouvernement israélien. Je te réponds que cette analogie est totalement trompeuse. Car le peuple syrien est majoritairement du côté de son gouvernement et de son armée qui luttent contre une invasion orchestrée de l’étranger. Sinon, comment expliquer la résistance victorieuse de cette armée de conscrits sur des mercenaires issus de 110 pays ? Et comment expliquer que les populations se réfugient, dès qu’elles le peuvent, dans les zones tenues par les forces gouvernementales ?
La guerre est toujours sale, et il y a des victimes innocentes des deux côtés. Mais si Bachar Al-Assad était vraiment le boucher sanguinaire que décrit la presse occidentale et saoudienne, crois-tu que l’Etat syrien et ses institutions, dont le président est la clé de voûte, ne se seraient pas effondrés depuis longtemps comme un château de cartes ? Ceux qui accréditaient la thèse ridicule du “méchant dictateur qui extermine son peuple à l’arme chimique”, les Filiu, les Hénin et autres Burgat, ces affabulateurs professionnels en sont pour leurs frais. Car les faits parlent d’eux-mêmes, et lorsque l’interprétation est erronée, ce ne sont pas les faits qu’il faut changer, mais l’interprétation. Aujourd’hui cette “narrative” simpliste n’abuse plus que ceux qui ont renoncé, par paresse intellectuelle, à l’usage de leur raison.
Mais comme ton engagement pour la cause palestinienne est solide, il y a d’autres faits que tu tu dois aussi prendre en considération. Ces faits, tu les connais. Ils montrent que les ennemis de la Syrie sont les ennemis de la Palestine, et que la défaite de la Syrie serait aussi la défaite de la Palestine. Car elle mettrait fin, à la fois, à la lutte séculaire du peuple palestinien pour son autodétermination et à la lutte séculaire de la nation arabe contre l’impérialisme occidental.
Résumons les faits, et rien que les faits.
En Syrie, des dizaines de milliers de combattants affluent de la planète entière, depuis six ans, pour aller combattre le “méchant Assad”. Ils passent par la Turquie, pays-membre de l’OTAN et allié des USA, comme à travers une passoire. Ces mercenaires sont payés par les pétromonarchies du Golfe, souvent entraînés par la CIA et parfois soignés dans les hôpitaux israéliens. Avec la Turquie, Israël et l’Arabie saoudite sont les deux principaux alliés des USA dans la région. La Syrie baasiste, elle, est le seul Etat arabe de la ligne de front à n’avoir jamais pactisé avec l’envahisseur sioniste. Allié de la Syrie, le Hezbollah libanais est la seule organisation à avoir battu l’armée israélienne en la chassant du Liban “manu militari”à deux reprises, en 2000 et en 2006.
Les USA veulent dépecer la Syrie pour affaiblir l’Iran et le Hezbollah. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Hillary Clinton dans un email révélé par Julian Assange. En Syrie, depuis 2011, l’aviation israélienne bombarde régulièrement l’armée syrienne et le Hezbollah. Elle ne bombarde jamais les organisations qui combattent l’armée syrienne, et ces organisations n’attaquent jamais Israël. Basma Kodmani, l’égérie de l’opposition syrienne, a déclaré en 2012 : “Nous avons besoin d’Israël”. Un ministre israélien vient de déclarer qu’il fallait éliminer Bachar Al-Assad. “L’armée syrienne libre”, c’est ainsi qu’elle prétend se nommer, offre à Israël une zone-tampon, côté syrien, qui protège le Golan occupé. Comme tu le sais, l’occupation et l’annexion illégales du Golan syrien par Israël constituent un “casus belli” pour Damas.
Voilà, ce sont des faits.
Prétendre soutenir la lutte des Palestiniens en rêvant de la destruction de l’Etat syrien, cela a un nom : c’est de l’imposture. Imagines-tu ce qui se passerait si la Syrie et le Hezbollah étaient vaincus par cette alliance mortifère qui réunit Israël, les USA et les wahhabites ? Au lendemain de cette ultime reddition de la résistance arabe, je ne donnerais pas cher des Palestiniens. Et il n’est pas nécessaire d’être un expert pour comprendre que ceux qui soutiennent la “rébellion” en Syrie sont les idiots utiles de Washington et de Tel Aviv.