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La France et son projet de défense nucléaire suscitent le septicisme européen

Taghrib (APT)

12 Feb 2019 - 13:44

La France a récemment procédé à la simulation d’une mission de dissuasion nucléaire à l’aide d’un Rafale B. Le ministère français des Armées s’est ensuite réjoui d’un succès qui « renforce la crédibilité technico-opérationnelle de la dissuasion dont la permanence de la composante aéroportée est assurée sans discontinuité par l’armée de l’Air française depuis 1964 ». L’événement tombe juste après que sur fond de violation présumée par Moscou, Washington eut décidé de se retirer du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI). Ne serait-ce pas le signe d’un suivisme envers les États-Unis, de la part d’une France qui, il y a une vingtaine d’années, avait évoqué l’idée d’un « parapluie » nucléaire français pour l’Union européenne ?


Dans son édition du 10 février 2019, la revue en ligne Opex360 proche des milieux militaires français revient sur l’idée d’un « parapluie » nucléaire français pour toute l’Union européenne.


« En septembre 1995, Alain Juppé, alors Premier ministre avait évoqué le concept de “dissuasion [nucléaire] concertée” avec l’Allemagne. Mais l’affaire n’alla pas plus loin, le gouvernement allemand n’ayant pas souhaité donner de suite à cette idée. Puis, en 2006, à l’occasion d’un discours prononcé à l’Île-Longue, le président Chirac affirma qu’il fallait “nous poser, ensemble, la question d’une défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d’une Europe forte, responsable de sa sécurité.” Mais, une fois encore, rien ne se passa.

Cependant, la doctrine nucléaire française parle de défendre les intérêts vitaux de la Nation et vise à faire du territoire national un “sanctuaire”. Pour autant, la Revue stratégique publiée en octobre 2017 rappelle que “la définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire”. »

L’article rappelle ensuite que depuis les déclarations de MM. Chirac et Juppé, la situation internationale a profondément changé. « À la menace terroriste est venue s’ajouter celle dite de la “force”, avec des pays qui mènent une politique assise sur leur puissance militaire, tout en s’affranchissant des normes internationales ainsi que les frontières. Le tout assorti de stratégies de déstabilisation et de remise en cause de ce que l’on tenait encore pour acquis il y a peu. Ainsi en est-il de l’architecture européenne de sécurité. »

Alors que les États-Unis se sont retirés du FNI, provoquant dans la foulée le retrait russe de ce même traité, la Macronie décide de faire un test balistique.

Opex360 rappelle également que c’était après le retrait des États-Unis du traité ABM (Anti-Ballistic Missile) trente ans après sa signature, que la Russie a dénoncé le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). « Et, plus récemment, sur fond de violation présumée par la partie russe, Washington a décidé de se retirer du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI]. Et vu comme c’est parti, on peut nourrir quelques craintes sur la prolongation, au-delà de 2021, du traité New Start de réduction des armes stratégiques », ajoute le texte.

D’après cette analyse, les Européens auraient toutes les raisons de s’inquiéter de la continuité de l’appui américain dans le cadre de l’OTAN.

« En outre, les États-Unis font de l’Asie-Pacifique leur priorité. Ce tournant avait été énoncé clairement dans leur stratégie nationale de sécurité publiée en 2012 afin de limiter l’influence chinoise. Et si un coup d’arrêt a été mis à ce “pivot” » américain vers cette région aux dépens de l’Europe avec le rattachement en 2014 de la Crimée à la Russie, les critiques récurrentes du président US, Donald Trump, à l’endroit de l’OTAN font que les Européens s’interrogent. »


La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré à la télévision russe que c’était un souhait très ancien des États-Unis que de désarmer complètement la Russie.

Et bien que les élus américains au Sénat et à la Chambre des représentants soient contre un retrait américain de l’Alliance nord-atlantique, les craintes à ce sujet en Europe restent, selon l’article, à leur place. L’article relate Sigmar Gabriel, l’ex-ministre allemand des Affaires étrangères, qui dans un entretien donné à Der Spiegel, en janvier 2018, avait dit que l’Europe ne peut pas se défendre sans les États-Unis.


« Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, et quand le départ du Royaume-Uni sera entré dans les faits, seule la France disposera à la fois de la force nucléaire et d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui lui donne un statut bien particulier. Et l’idée d’un “parapluie nucléaire” français fait visiblement son chemin. »

Mais les partenaires européens de la France restent-ils optimistes ?

En 2017, la chambre basse du Parlement allemand (Bundestag) a estimé que, juridiquement, rien ne s’opposait à une participation financière de Berlin à l’arsenal nucléaire français. Ce qui montre, selon l’article, que la question fait débat outre-Rhin. Et elle vient d’être relancée par le diplomate Wolfgang Ischinger, une figure respectée et influente en Allemagne pour tout ce qui a trait aux affaires stratégiques.


« Président de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui a traditionnellement lieu à la mi-février, M. Ischinger a en effet estimé, dans un entretien donné à des journaux du groupe Funke Mediengruppe, qu’une “européisation du potentiel nucléaire français” est “effectivement une très bonne idée” à “moyen terme”. “Il s’agit de savoir si, et comment la France pourrait être disposée à mettre stratégiquement sa capacité nucléaire au profit de l’ensemble de l’Union européenne”, a continué M. Ischinger. »

Le diplomate allemand avait affirmé que « Concrètement : les options de l’engagement nucléaire de la France ne devraient pas couvrir seulement son propre territoire, mais aussi le territoire des partenaires au sein de l’Union européenne. En contrepartie, il serait nécessaire de préciser les contributions que les partenaires européens devraient apporter afin d’arriver à un partage équitable des charges ».

Et c’est en ces termes que le président de la Conférence de Munich montre son pessimisme quant à l’efficacité d’un soi-disant parapluie nucléaire français pour défendre l’Europe tout entière :


« Cependant : l’utilisation possible des armes nucléaires ne pourrait pas être décidée, au final, par un comité de l’UE. Cette décision resterait celle du président français. Ce que nous devons accepter ! »

 


Code d'article: 401862

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