Les médias mainstream n'en parlent pas mais des milliers de Soudanais qui exigent, deux mois après le départ d'el-Bechir, le retour du pouvoir aux civils, le revendiquent toujours : la fin de la présence des militaires soudanais au Yémen. A La Mecque, l'Arabie saoudite et les Emirats ont largement desserré les bourses et promis argent et soutien politique à la junte militaire mais le corps de l'armée soudanaise qui compte ses morts chaque jour à Jizan, à Najran et à Asir, a du mal à croire aux promesses creuses, faites par Riyad. D'où cette purge que la junte militaire vient de lancer d'abord au sein des services du renseignement du pays.
Dans le premier jour de la « désobéissance civile » au Soudan, le service de renseignement du pays a mis en retrait ses 100 éléments des forces de sécurité.
Après le massacre du sit-in il y a une semaine, l’opposition à la junte militaire au pouvoir au Soudan a organisé dimanche une campagne nationale dénommée « désobéissance civile ». L’initiative vise à dénoncer les putschistes au pouvoir et leur implication dans le bain de sang du 3 juin et la répression qui s’est poursuivie les jours suivants.
En effet, un retour au pouvoir civil est ce qui pourrait arriver de pire au régime de Riyad, un tel pouvoir allant sans doute s'opposer à un déploiement massif des forces soudanaises au Yémen. Les militaires soudanais gracieusement payés par les Salmane sont déployés à Dhale au sud du Yémen, non loin d'Aden mais aussi sur le front sud saoudien, dans ces trois provinces de Jizan, de Najran et d'Asir que l'Arabie saoudite est sur le point de perdre face à l'avancée des forces d'Ansarallah.
La campagne nationale de « désobéissance civile » a été lancée et ses initiateurs estiment qu'elle devra se poursuivre jusqu’à ce que les Soudanais atteignent leur but. Or le mouvement pourrait aboutir à une véritable révolte anti-Riyad et anti-Abou Dhabi avec en toile de fond une opposition manifeste contre la présence de l'armée au Yémen.
Quatre personnes ont été tuées, dimanche 9 juin, au Soudan, où l’Association des professionnels, mouvement de contestation, a donné le coup d’envoi au mouvement de « désobéissance civile » pour pousser le Conseil militaire à remettre le pouvoir aux civils.
L’obstination de la junte militaire au pouvoir à Khartoum à maintenir sa présence au Yémen risque de lui coûter trop cher. Un 1er accrochage sanglant contre les Soudanais exigeant le retour du pouvoir civil a laissé au moins 14 morts.
Le comité central des médecins soudanais proche de l’opposition a estimé à 118 personnes le nombre de victimes des violences des militaires à la solde du conseil militaire de transition depuis lundi 3 juin. Cependant, le ministère soudanais de la Santé a confirmé que 61 Soudanais avaient perdu la vie jusqu’à jeudi dernier. Ce bain de sang a littéralement écorné l'image de la junte qui depuis cherche à rattraper le coup. La purge au sein de l'appareil du renseignement, l'un des plus actifs de la Corne de l'Afrique pourrait se poursuivre par de nouvelles liquidations cette fois au sein d'autres secteurs clés du pays.
Les forces de sécurité soudanaises à la solde de la junte militaire ont déclenché le 3 juin 2019, au dernier jour du Ramadan, la répression par tirs à balles réelles du campement pacifique des opposants devant le quartier général de l’armée à Khartoum. C’est-à-dire quelques heures après le retour du général Abdel Fattah al-Borhan d’Arabie saoudite où il s’était rendu pour participer à un triple sommet de la Ligue arabe, du CCGP et de l’OCI, organisé par le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman pour resserrer les rangs face à l’Iran.
Le Conseil militaire de transition est au pouvoir depuis la destitution le 11 avril par l’armée du président Omar el-Bechir. L’opposition aux généraux militaires à la tête du pouvoir, réclame, depuis le départ d’Omar el-Bechir, que les généraux remettent le pouvoir à un gouvernement civil. Mais les négociations entre les deux camps sont suspendues depuis le 20 mai en raison des litiges sur la transition. Prise en étau entre la violente répression et l’impasse des négociations, les dirigeants de l’opposition avaient appelé le peuple soudanais à une « vraie désobéissance civile » à compter de dimanche et jusqu’au transfert du pouvoir aux instances civiles dans le pays.