Shakil Afridi, un médecin pakistanais qui a aidé la CIA à débusquer Oussama Ben Laden, menant l’opération américaine du 2 mai 2011, qui a conduit à la mort du chef d’Al-Qaïda, a été condamné à 33 ans de prison ainsi qu’à une amende correspondant à environ 2750 euros par un tribunal tribal, rapportent les médias américains et pakistanais, dont The News Tribe. Le tribunal tribal du district semi-autonome de Khyber, dans le nord-ouest du Pakistan l’a en effet reconnu coupable de trahison, pour avoir mené une fausse campagne de vaccination à Abbottabad, la ville où se cachait l’ennemi public numéro un avec une partie de sa famille. Il aurait été jugé à partir du Frontier Crimes Regulations (FCR, ou Règlement des crimes frontaliers, qui régit les zones tribales semi-autonomes du Pakistan), précise le «Time». Le chirurgien aurait été conduit à la prison centrale de Peshawar. Il pourrait faire appel de ce jugement.
En janvier dernier, le secrétaire à la Défense des États-Unis, Leon Panetta, avait confirmé, dans l’émission «60 Minutes», l’aide du Dr Afridi, mais estimé qu’il ne s’agissait «en aucune façon d’une trahison envers le Pakistan». Il avait ajouté que poursuivre un individu qui avait contribué à l’arrestation d’un «terroriste» était «une véritable erreur». Panetta avait par la même occasion confirmé qu’il pensait qu’un haut responsable pakistanais savait où se cachait Ben Laden, et que c’est pour cela qu’Islamabad n'a pas été averti du raid –ce qui a créé de vives tensions entre les deux pays.
Des tests ADN réalisés en douce
L’opération commando du 2 mai dernier qui a conduit à la mort d’Oussama Ben Laden avait été savamment orchestrée en amont par les services secrets américains. Pour être sûr que la cible était bien la bonne, la CIA avait mené une fausse-campagne de vaccination dans la ville d’Abbottabad. Le but était de récolter des preuves ADN, afin de les comparer à celles déjà existante d’une sœur de Ben Laden, morte à Boston en 2010. Même si les Américains étaient déjà intimement persuadés que le complexe d’Abbottabad servait de cache à de hauts dignitaires d’Al Qaïda, dont le leader lui-même, ils devaient avoir la certitude de sa présence, et ce afin de justifier l’opération secrète dans un pays étranger.
Pour atteindre ce but, des agents de la CIA avaient recruté un médecin pakistanais afin qu’il donne un cachet authentique à l’opération, avaient rapporté au «Guardian» des officiels américains et pakistanais en juillet 2011, en l’occurrence le docteur Shakil Afridi, qui travaillait dans la région de Khyber, près de la frontière afghane. Convaincu par les Américains – on suppose grâce à quelques dollars -, le médecin s’est donc déplacé à Abbottabad en mars de cette même année pour mener une campagne de vaccination contre l’hépatite B.
Pour donner un peu de véracité à l’opération médicale, des affiches avaient même été disposées dans la ville, et les habitants des quartiers pauvres de la banlieue d’Abbottabad ont été «vaccinés» en mars, afin de ne pas éveiller les soupçons. En avril, le docteur et ses infirmières ont continué leur campagne à Bilal Town, le quartier résidentiel où Oussama Ben Laden a été tué. Pour un officiel pakistanais, c’est la preuve du complot. «Bilal Town est un quartier aisé. Pourquoi le choisir pour des vaccins gratuits ? Et pourquoi un chirurgien de Khyber travaillait à Abbottabad?”, explique-t-il dans les colonnes du journal anglais. Le plan a-t-il fonctionné? Une infirmière qui ne connaissait pas le vrai but du programme, a bien eu accès au complexe de Ben Laden pour administrer les vaccins…