Depuis plusieurs mois, les attaques contre des soldats étrangers par leurs partenaires de l'Armée nationale afghane se multiplient.
Par haine, pour l'honneur, par idéologie ou règlement de comptes personnel, un nombre croissant de soldats et de policiers afghans retournent leurs armes contre les militaires étrangers de l'OTAN. L'armée française en a fait pour la seconde fois l'expérience vendredi, avec le meurtre de quatre militaires par un soldat de l'armée nationale afghane. Une fusillade similaire avait coûté la vie à deux légionnaires français le 29 novembre.
La multiplication de ces incidents révèle une hostilité croissante entre les Afghans et les forces étrangères qui devront mettre un terme à leurs missions d'ici 2014. En dix ans de guerre, cette hostilité s’est profondément installée.
Selon un rapport interne de l'ISAF (la force de l'OTAN en Afghanistan), dont le contenu a été rendu public en juin 2011, entre mai 2007 et mai 2011, au moins cinquante-huit soldats de l'OTAN ont été tués dans vingt-six attaques, par des soldats et des policiers afghans.
Le rapport de l'OTAN est le fruit d'une enquête menée auprès de 613 soldats et policiers afghans, 215 soldats américains et 30 interprètes travaillant pour les forces américaines. Ces témoignages ont été recueillis dans trois provinces de l'Est afghan.
Selon un colonel de l'armée afghane, "l'impression de haine augmente rapidement" dans les relations entre forces afghanes et américaines. L'officier décrit ses troupes comme des "voleurs, des menteurs et des drogués", et les Américains comme "des brutes grossières et arrogantes".
Après avoir longtemps affirmé que les militaires français ne faisaient pas la guerre en Afghanistan, puis prétendu qu'ils la gagnaient grâce à la contre-insurrection, les autorités politiques semblent vouloir tirer les leçons de ce qui apparaît comme un échec.
Afin d'éviter que la question afghane interfère dans la campagne électorale, Paris avait depuis la fin de l'été adopté une nouvelle posture en Afghanistan, ordonnant aux chefs militaires de prendre le moins de risques possible. La dernière attaque prouve que ces précautions n'étaient pas suffisantes.
Dans ce contexte Le président Nicolas Sarkozy a annoncé vendredi la suspension des opérations de formation et d'aide au combat de l'armée française en Afghanistan, posant la question d'un retour anticipé des troupes.
Cette tuerie, la décision de Nicolas Sarkozy de suspendre les opérations de formation et d'aide au combat et le possible retrait anticipé des forces françaises, portent un nouveau coup à la stratégie des forces internationales en Afghanistan
Selon le calendrier fixé par les Américains, le retrait progressif des troupes de combat doit s'étaler jusqu'en 2014, date à laquelle les forces de sécurité locales sont censées assumer pleinement la responsabilité de la sécurité dans le pays. Paris, qui maintient encore 3600 soldats en Afghanistan, avait calé son agenda sur celui des forces américaines. Après avoir amorcé son retrait, la France prévoyait de retirer 1000 hommes d'ici à la fin 2012 et le reste en 2013 et 2014.
Pourtant, l'annonce d'un possible départ précipité des forces françaises pourrait accélérer les attaques des talibans, qui attendent que le sol afghan soit «libéré» des forces étrangères pour reprendre le pouvoir, au lieu de les freiner. Avec 26 morts, les forces françaises ont déjà subi en 2011 leurs plus lourdes pertes depuis le début du conflit.