Date de publication24 Aug 2012 - 12:56
Code d'article : 106751
« L’art de la guerre »

Le reality show du Pentagone

APT-Beyrouth
Le Pentagone vient d’imaginer un programme qui fait les records d’audience de NBC. Mélangeant le principe du reality show qui met la réalité en scène pour la donner à voir, et celui du jeu télévisé qui reconstitue des situations pour éprouver des concurrents, il propose de jouer à la guerre grandeur nature. Cette émission de propagande —sans équivalent depuis les compétitions sportives en tenue de combat mises en scène par Joseph Goebbels—, vise à la fois à valoriser les attitudes martiales et à occulter la cruauté des vraies guerres.
Le reality show du Pentagone

Les commandos se jettent à la mer du haut d’un hélicoptère et, arrivés sur la rive en canot pneumatique, éliminent les ennemis avec leurs fusils d’assaut, minent un dépôt et le font exploser tandis qu’ils repartent accrochés à l’hélicoptère. 

Ceux qui accomplissent l’action ne sont pas des Marines ou des Navy Seals, mais des acteurs, chanteurs, champions sportifs ou hommes d’affaires connus. Recrutés par la chaîne étasunienne NBC pour le reality show « Stars Earn Stripes », entraînés et accompagnés dans l’action par de véritables commandos, dont les Bérets Verts. 

Le but de l’émission, explique NBC, est de rendre hommage à « nos héros » qui reviennent des guerres, en montrant « quelles incroyables missions ils accomplissent dans la réalité ». Chaque compétiteur concourt pour une somme d’argent, qu’il laissera à une association en faveur des militaires, poussant ainsi les téléspectateurs à contribuer de leur poche. 

Mais ce qui rend unique le reality show est son animateur exceptionnel : le général Wesley Clark, ex-Commandant suprême allié en Europe de 1997 à 2000. C’est lui qui planifie les missions des concurrents, qui les guide et les juge. L’expérience ne lui manque pas : c’est lui qui planifia et commanda la guerre contre la Yougoslavie. Une fois au repos, Clark a écrit des livres et tenu des leçons sur comment « conduire et gagner la guerre moderne », sur la base de celle de 1999. 

Ce fut la première guerre effectuée par l’OTAN dans ses 50 années d’histoire, explique Clark, pour « mettre fin à l’épuration ethnique de Milosevic contre les Albanais du Kosovo ». Une guerre dans laquelle « l’Amérique (États-Unis d’Amérique, NdT) fournît son leadership et choisît les objectifs à frapper ». Mais le Pentagone en fit « une guerre OTAN », en impliquant les alliés qui effectuèrent 60 % des attaques aériennes. 

De cette façon, Wesley Clark décrit le palimpseste d’un autre reality show, bien plus important que celui de la NBC, que le Pentagone diffuse sur les ondes en mondovision pour faire apparaître comme réel ce qui ne l’est pas, en camouflant les causes et les buts de la guerre. Il s’en tient pour cela à deux règles : focaliser l’attention de l’opinion publique sur l’ennemi numéro un du moment (Milosevic, Ben Laden, Saddam Hussein, Khadafi, Assad, Ahmadinejad) en montrant combien il est dangereux, et combien est juste et urgente l’intervention militaire ; impliquer les alliés, mais de telle sorte que ce soit toujours les États-Unis qui aient le leadership. 

Dans le reality show de la guerre il est permis de fabriquer des « preuves » contre les ennemis : comme celles présentées à l’Onu par le secrétaire d’État Colin Powell, le 5 février 2003, pour démontrer que l’Irak possédait des armes biologiques de destruction massive. « Preuves » dont Powell lui-même a ensuite admis la fausseté, en demandant à la CIA et au Pentagone d’expliquer pourquoi ils lui avaient fourni des « informations inexactes ». 

Mais désormais le reality show de la guerre est passé à de nouveaux épisodes : maintenant on accuse l’Iran de vouloir fabriquer des armes nucléaires (en feignant d’ignorer qu’Israël en possède depuis des décennies, et les tient pointées contre l’Iran et d’autres pays).
Des émissions populaires comme « Stars Earn Stripes » contribuent aussi à alimenter l’idée de l’ennemi et de la nécessité de se défendre. Wesley Clark pourrait la transmettre aussi en Italie, en embauchant un figurant exceptionnel : Massimo D’Alema, qui en 1999, quand il était président du conseil, mit les bases et les forces armées italiennes aux ordres du futur animateur du reality show « Stars Earn Stripes ». 

Manlio Dinucci

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