Il vient de publier une note sobrement intitulée Réflexions hérétiques, approfondies et mises à jour sur la Syrie. Ce document ne doit pas être lu au premier degré, car son raisonnement se base sur des imputations dénuées de tout fondement. Toutefois, il s’avère très instructif au second degré dès lors qu’on l’appréhende comme un effort de « Storytelling ». Yossef Bodansky n’a rien d’un chercheur et tout d’un scénariste. Il ne tente pas d’analyser ce qui se passe en Syrie, mais d’inventer une nouvelle narration qui permette de justifier aux yeux des masses les politiques de l’OTAN.
Voici les deux principales inventions ineptes du storyteller :
• Téhéran disposerait déjà de la bombe atomique et déploierait une stratégie pour s’emparer de Jérusalem et de la Mecque, puis prendre le contrôle du monde musulman. Conduisant une guerre de l’ombre, l’Iran manipulerait le Hezbollah, le Hamas et les jihadistes contre les Frères musulmans.
• La politique intérieure syrienne serait un jeu d’alliance fluctuantes à deux contre un, les alaouites, druzes et kurdes, contre les sunnites occidentalisés, arméniens et chrétiens orthodoxes, ou les extrémistes sunnites des campagnes et des banlieues pauvres. Ces populations auraient des activités distinctes et vivraient dans des zones distinctes. Damas mènerait une politique de nettoyage ethnique en chassant ou exterminant les extrémistes sunnites des zones où ils seraient minoritaires, comme ce serait le cas à Hama ou Homs.
La fiction écrite par Yossef Bodansky répond à une nécessité stratégique de l’alliance Tel Aviv-Washington. La coalition anti-syrienne s’est constituée autour d’un double objectif : changer le régime pour briser l’Axe de la Résistance (dans l’intérêt d’Israël) et démembrer le pays pour poursuivre le remodelage du Moyen-Orient élargi (dans l’intérêt du Pentagone). Or, après un an de combats, l’évolution sur le terrain montre qu’un renversement de Bachar el-Assad ne profiterait pas à une pseudo-démocratie parlementaire, mais à une dictature religieuse sunnite. Il initierait un mouvement de confiscation du pouvoir par les extrémistes sunnites partout dans la région. À terme, Israël —certes débarrassé de l’Axe de la Résistance— et les États-Unis seraient tous deux confrontés à une masse sunnite ayant atteint un volume critique.
Par conséquent, l’auteur recommande de continuer à soutenir militairement les rebelles de l’Armée syrienne libre pour qu’ils affaiblissent Damas, mais de doser ce soutien de sorte qu’ils ne soient jamais en mesure de renverser le gouvernement Assad (il ne s’agit pas ici de la personne de Bachar el-Assad, mais des forces dont il est issu). Les analyses faussement savantes de Yossef Bodansky ont pour unique fonction de justifier ce niveau de soutien en masquant ses mobiles stratégiques réels : il faut armer l’Armée syrienne libre (pour arrêter les massacres), mais on ne peut pas faire plus (parce que la situation est trop complexe et que l’Iran pourrait faire usage de la bombe atomique).