>> La victoire de George Galloway, député pro-Palestine, bouscule la politique britannique | TAGHRIB (APT)
Date de publication3 Apr 2012 - 11:12
Code d'article : 89109

La victoire de George Galloway, député pro-Palestine, bouscule la politique britannique

Agence de presse TAGHRIB (APT)
Il est rare qu'une élection partielle fasse la une des journaux britanniques. Pourtant, jeudi 29 mars, l'élection d'un ancien député travailliste à Bradford West, dans le nord du pays, a fait grand bruit. Et pour cause. Cette circonscription, aux mains du Labour depuis 1974, est passée dans le giron d'un parti politique encore méconnu, Respect, et d'un candidat controversé, George Galloway.
La victoire de George Galloway, député pro-Palestine, bouscule la politique britannique
On est à une dizaine de kilomètres de Leeds, dans une commune qui abrite une forte proportion d'électeurs d'origines pakistanaise et bengladaise, près de 20 % de la population. Contrairement aux prévisions des sondages, George Galloway s'est imposé avec 56 % des suffrages face au candidat du Labour, Imran Hussain, pourtant ultra-favori dans ce bastion du parti travailliste. "C'est la victoire la plus sensationnelle de toutes les élections partielles dans le pays", a lancé le vainqueur.
UNE CARRIÈRE FULGURANTE AU SEIN DU LABOUR
Loin d'être un inconnu, Galloway est un célèbre trublion de la politique britannique. Né à Dundee, en Ecosse, il y a 57 ans, il entre au Labour à l'âge de 13 ans, travaille dans une usine de pneus Michelin tout en menant une carrière politique exemplaire au sein de l'appareil travailliste.
Pourtant, sa vie bascule un après-midi de 1975. Comme le raconte David Smith, journaliste au Guardian, George Galloway se trouve dans les locaux du Labour à Dundee, lorsqu'il reçoit la visite d'un étudiant palestinien "qui ressemblait à la star de cinéma Omar Sharif ". En quelques heures, Galloway est comme "hypnotisé". Deux ans plus tard, il se rend à Beyrouth. "Une semaine après mon retour, j'ai fait une promesse, dans le Tavern Bar de Dundee : consacrer le reste de ma la vie à la cause palestinienne et arabe, quelles que soient les conséquences politiques pour mon propre avenir." Cela ne bloquera en rien son ascension. En 1987, il est élu député dans la circonscription de Glasgow Hillhead, puis réélu en 1997 et 2001 dans la circonscription remodelée de Glasgow Kelvin.
La rupture avec les travaillistes a lieu en 2003, quand Tony Blair participe à l'invasion de l'Irak. Un crime, pour Galloway, devenu vice-président de la coalition anti-guerre ("Stop the War"). Très impliqué, le député travailliste prend souvent la parole lors de manifestations et n'hésite pas à critiquer son propre camp. Il déclare notamment que "la meilleure chose que les troupes britanniques puissent faire, c'est de refuser d'obéir à des ordres illégaux", et surnomme le gouvernement, "la machine à mentir de Tony Blair". Le 23 octobre 2003, il est exclu du parti travailliste.
PARACHUTAGES EN SÉRIES
L'année suivante, Galloway rebondit en créant le parti Respect avec des alliés de la coalition anti-guerre, des communistes et des associations musulmanes. Un parti d'extrême-gauche qui soutient le peuple palestinien, défend le droit des réfugiés et des demandeurs d'asile, réclame la nationalisation des services publics, l'augmentation des aides sociales et du salaire minimum.
Ne reste plus qu'à trouver une circonscription pour le député sortant. Galloway devient alors le roi du parachutage. The Independent a d'ailleurs salué vendredi, le retour de "l'infatigable parachuté". En 2005, il remporte la circonscription de Bethnal Green and Bow au nord de Londres. L'un des quartiers les plus pauvres du pays, à forte communauté bangladaise. Cette victoire marque son premier retour en politique. Pourtant, en 2010, il échoue à se faire élire dans la circonscription voisine de Poplar and Limehouse, qui reste aux mains du Labour.
Au-delà de quelques accusations de corruption, dont aucune n'a été retenue par la justice, Galloway multiplie les dérapages verbaux et les provocations. Dans les années 1990, il entretient des liens d'amitié avec Fidel Castro. En 2006, lors d'une manifestation, il déclare que "le Hezbollah n'a jamais été une organisation terroriste", puis indique en 2009 avoir reçu du leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, un passeport palestinien. Il organise aussi plusieurs convois humanitaires vers Gaza.
Pour autant, Gorges Galloway laisse planer le doute sur sa conversion à l'Islam. D'après David Smith, il porte sur lui un exemplaire du Coran, ce qui attise les spéculations. Questionné, l'intéressé répond : "C'est entre Dieu et moi. Comme le rapporte The Times, il n'a pas hésité, lors de la campagne électorale, à railler son adversaire, Imran Hussain, en déclarant : "Je suis un meilleur musulman que lui. Je suis meilleur Pakistanais qu'il ne l'est."
UN VOTE MUSULMAN CONTESTATAIRE
Suite à cette victoire surprise, la presse britannique cherche à comprendre pourquoi le Labour a échoué dans une circonscription qui lui était acquise. Dans son édito, The Guardian explique que conservateurs et travaillistes paient le prix d'un échec de la relance économique dans les régions les plus défavorisées du pays.
Autre raison invoquée : la campagne dynamique du candidat Galloway. Son équipe a misé sur les réseaux sociaux. Le député fraîchement élu affiche près de 83 000 fans sur Facebook et plus de 6 000 nouveaux followers sur Twitter.
Mais, pour Andrew Rawnsley, de The Observer, cette victoire tient avant tout à des spécificités locales. "Galloway, dont le programme repose sur un mélange de marxisme et d'islamisme (...), n'a pas choisi cette circonscription au hasard." Bradford West avait tout de la terre promise, avec "un important vote musulman protestataire", nourri par l'opposition aux guerres d'Irak et d'Afghanistan.
Pour autant, l'événement doit servir de leçon aux partis majoritaires que sont les Torries, le Labour, et les libéraux-démocrates. Car lors de ce scrutin, ils n'ont séduit que quatre électeurs sur dix. Le LibDem ne récupère plus le vote contestataire depuis qu'il est devenu un parti de gouvernement. Les électeurs se tournent désormais vers de plus petits partis, plus extrêmes, pour exprimer leur mécontentement.
par Pauline Pellissier


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Source : lemonde.fr
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